Bitcoin : Halal ou Haram ? Une analyse approfondie

Le débat autour du statut islamique du Bitcoin ne cesse de susciter des interrogations, notamment chez les musulmans souhaitant investir en conformité avec la charia.

Samuel.V

5/8/20245 min temps de lecture

Bitcoin : Halal ou Haram ? Une analyse approfondie

Le débat autour du statut islamique du Bitcoin ne cesse de susciter des interrogations, notamment chez les musulmans souhaitant investir en conformité avec la charia. Cette cryptomonnaie, aujourd’hui valorisée parmi les 5 actifs les plus puissants au monde (derrière des géants comme Apple, Microsoft ou encore Amazon), a récemment fait son entrée en bourse via des ETF aux États-Unis, ce qui renforce sa légitimité sur les marchés financiers traditionnels. Mais qu’en est-il sur le plan éthique et religieux .

Une monnaie selon l'Islam : le concept de Maal et l'Urf

Dans l’analyse de Mufti Muhammad Abu-Bakar (PDF complet ici : Analyse Chariah du Bitcoin), le Bitcoin peut être considéré comme "maal" (objet de valeur) car :

Il est recherché, stocké et utilisé comme réserve de valeur.

Il est accepté comme moyen d’échange dans de nombreux pays.

Il bénéficie d’un Urf positif, c’est-à-dire une coutume sociale d’usage et d’acceptation.

Avec des pays comme le Salvador ou la RDC qui l’ont légalisé comme monnaie nationale, et plus de 500 000 transactions quotidiennes sur le réseau Bitcoin, son statut de "valeur légitime" est de plus en plus solide.

Le Bitcoin remplit-il les fonctions monétaires islamiques ?

Selon plusieurs références en finance islamique, un actif doit remplir trois fonctions essentielles pour être considéré comme de l’argent selon la charia : servir de moyen d’échange, d’unité de compte et de réserve de valeur.

Sous cet angle, le Bitcoin présente plusieurs caractéristiques compatibles. D’une part, il est de plus en plus accepté comme moyen de paiement pour l’achat de biens et services, aussi bien en ligne que dans certains commerces physiques.

D’autre part, il joue un rôle d’unité de compte dans l’écosystème crypto, où de nombreux actifs sont cotés ou évalués en BTC. Enfin, il est largement perçu comme une réserve de valeur, souvent surnommé “or numérique”, car il peut être conservé sur le long terme sans se dégrader, tout en offrant une protection contre la dépréciation monétaire dans certains contextes économiques.

Les divergences d’avis chez les savants

En dépit des arguments en faveur de la conformité du Bitcoin aux fonctions monétaires définies par la charia, il n’existe pas aujourd’hui de consensus clair parmi les savants quant à sa licéité. Les avis divergent en fonction de l’interprétation des textes religieux, de l’analyse économique et des risques associés.

Par exemple, certains érudits comme Mufti Shawqi Allam, Sheikh Assim Al Hakeem ou Shaykh Haitham al-Haddad considèrent le Bitcoin comme haram, principalement en raison de sa volatilité extrême, de son utilisation potentielle dans des activités illicites ou du manque de soutien étatique.

D’autres, tels que Mufti Faraz Adam, Dr. Ziyaad Mahomed ou Mufti Muhammad Abu-Bakar, jugent le Bitcoin halal mais recommandent une approche prudente, en insistant sur la nécessité d’éviter la spéculation excessive.

À l’opposé, des savants comme Dr. Mohamed Ali El Gari ou Dr. Mohd Daud Bakar vont plus loin en le déclarant halal, considérant qu’il répond aux critères d’un actif licite dans le système économique islamique.

Enfin, Sheikh Mustafa Umar adopte une position nuancée, estimant que le Bitcoin peut être halal ou makruh selon les circonstances d’utilisation. Ces divergences reflètent la complexité du sujet et montrent que l’évaluation religieuse du Bitcoin dépend autant des principes juridiques islamiques que du contexte économique dans lequel il est utilisé.

Les principales critiques adressées au Bitcoin

Les savants qui estiment que le Bitcoin est haram avancent généralement plusieurs arguments fondés à la fois sur des considérations économiques, éthiques et juridiques.

Premièrement, ils soulignent sa volatilité extrême, qui engendre un niveau de risque élevé pour les investisseurs et peut mener à des pertes importantes, ce qui va à l’encontre du principe islamique visant à éviter le gharar (incertitude excessive) dans les transactions.

Deuxièmement, son anonymat partiel et la difficulté à retracer certaines opérations sont souvent évoqués comme des facteurs facilitant le blanchiment d’argent, la fraude ou d’autres activités illicites, ce qui soulève des préoccupations morales importantes dans la jurisprudence islamique.

Troisièmement, le fait que le Bitcoin ne soit ni émis ni garanti par un État ou une banque centrale est perçu par certains érudits comme un manque de légitimité et de stabilité, contrairement aux monnaies fiduciaires classiques.

Enfin, ils critiquent son utilisation largement spéculative, de nombreux acteurs l’achetant non pas pour l’utiliser comme moyen d’échange mais dans une optique de profit rapide, ce qui peut s’apparenter à de la maysir (jeu de hasard) si l’intention repose principalement sur la spéculation à court terme.

Cependant, ces arguments sont souvent nuancés par d’autres savants, qui rappellent que ces caractéristiques ne rendent pas nécessairement le Bitcoin haram en soi, mais dépendent plutôt du contexte d’utilisation et des intentions.

Par exemple, comme l’explique Mufti Faraz Adam, la volatilité d’un actif ne suffit pas à le rendre illicite : des actifs traditionnellement reconnus comme licites en islam tels que l’or, l’argent ou même le dollar américain peuvent eux aussi connaître des périodes de fortes fluctuations de prix ou être utilisés à des fins spéculatives.

De la même manière, l’absence de contrôle étatique n’implique pas automatiquement une interdiction religieuse : dans l’histoire islamique, différentes formes de monnaies (comme le dinar ou le dirham) ont circulé sans autorité centrale unique.

Enfin, bien que le Bitcoin puisse être utilisé à mauvais escient, cette réalité n’est pas propre à cette crypto-monnaie : les monnaies fiduciaires sont également utilisées dans des activités illicites, sans pour autant être déclarées haram.

Ainsi, les divergences ne portent pas uniquement sur la technologie en elle-même, mais sur la manière dont elle est perçue, utilisée et encadrée dans la pratique contemporaine.

Conclusion : le Bitcoin est-il halal ou haram ?

À la lumière des différentes analyses économiques, juridiques et religieuses, il apparaît que le Bitcoin ne peut pas être catégoriquement classé comme halal ou haram dans l’absolu. Sa licéité dépend largement de l’intention de l’utilisateur, du contexte d’utilisation et du respect des principes éthiques islamiques. Dans une perspective conforme à la charia, le Bitcoin peut être considéré comme halal sous certaines conditions précises :

🔘 L’intention doit être légitime : il s’agit de l’utiliser comme un moyen d’échange ou une réserve de valeur, et non comme un outil de jeu, de spéculation pure ou de pari sur la volatilité à court terme.

🔘 L’investisseur doit avoir une compréhension claire des risques, notamment en ce qui concerne la volatilité et la sécurité des portefeuilles. Cette transparence permet de réduire le gharar (incertitude excessive) qui pourrait rendre une transaction problématique.

🔘 L’utilisation du Bitcoin doit respecter les règles éthiques islamiques, c’est-à-dire éviter toute implication dans des activités illicites (blanchiment, financement d’activités haram), ne pas recourir à la riba (intérêt), et adopter une approche responsable et honnête dans les échanges.

En d’autres termes, le Bitcoin est potentiellement halal lorsqu’il est utilisé dans un cadre économique sain, transparent et conforme aux valeurs islamiques. En revanche, s’il est manipulé dans une optique purement spéculative, avec une intention assimilable au maysir (jeu de hasard), ou s’il sert de support à des activités illicites, il peut alors devenir haram.

Ainsi, avant d’investir ou d’utiliser des crypto-actifs, il est fortement recommandé de consulter un savant ou un conseiller islamique compétent, afin d’obtenir une fatwa adaptée à sa situation personnelle. Parallèlement, il est essentiel de s’éduquer sérieusement sur la technologie blockchain, le fonctionnement des marchés crypto et les implications religieuses et économiques associées.

Cette démarche de connaissance et de prudence est au cœur même de la finance islamique.

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